Sandra Lycklama
Cabinet Parenthèse
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"On ne choisit pas de parler"
Mon intérêt pour le moment de transition entre le silence et le son, et des retrouvailles avec une amie de longue date dont l'enfant souffre de mutisme sélectif, m'amènent à plonger dans les réflexions et recherches autour de ce problème peu connu. Parmi les textes qui ont retenus mon attention, ce passage, extrait d'un récit de psychothérapie psychodynamique avec un enfant, nommé ici Jérémie, qui a été suivi entre la Grande Section et le CE2 par les auteurs de l'article.
J'aime dans ce texte l'affirmation qu'on ne choisit pas de parler, que le mutisme de ces enfants n'est pas une question d'opposition ou de manque de motivation. J'aime aussi la recherche d'un sens au symptôme, ou au-delà de celui-ci dans la construction psychique plus globale de l'enfant.
Comment penser les mouvements psychiques d’un
enfant qui garde toutes ses facultés langagières avec ses fami-
liers et ne peut s’en servir avec « les étrangers » et tous ceux
qui représentent le milieu social (certains enfants gardent la
capacité de parler à d’autres enfants) ? La question est déjà
loin d’être simple, et si l’on prend en compte le langage inté-
rieur, peut-on faire l’hypothèse que celui-ci est aussi troublé
que la communication de l’enfant ?
Le mutisme n’est pas un choix, Jérémie le dit très bien à
sa mère : « On ne choisit pas de parler. » Nous comprenons
les propos deJérémie comme une véritable difficulté et à parler
et à penser dans certaines circonstances. Son mutisme n’est pas
assimilable à une simple inhibition dans laquelle une pensée,
quelque chose de formulé intérieurement sur le plan langa-
gier, ne serait pas discible par peur d’une réaction surmoïque.
Il nous semble que dans le mutisme il y a défaite du jeu inté-
rieur (au niveau préconscient/conscient) de telle façon qu’il
s’agit pour l’enfant de se défendre d’affects violents envahis-
sant sa psyché et d’échanges relationnels intrusifs. La lutte
est plus radicale.
(…) Plutôt que d’osciller entre une scène de jeu dévastée et
une réparation impérative
qui réunit pacifiquement tous les protagonistes, comme il le
fait dans son traitement, Jérémie opère un retrait qui pour
nous se fait au prix d’un clivage du moi. C’est, et en même
temps ça n’est pas : pas dit, pas pensé, pas échangé, ça n’a
pas lieu, silence !
(pp.75-76)
Le site de l'association Ouvrir la Voix contient de nombreux documents sur des approches thérapeutiques basées sur l'exposition graduelle aux situations anxiogènes pour l'enfant.
Chapellière, H. & Manela, Y (2003). « On ne choisit pas de parler ». Etude monographique d'un cas de mutisme sélectif. La psychiatrie de l'enfant, 46, 45-78.
DOI : 10.3917/psye.461.0045